UN HOMME D'EXCEPTION.

     Tous les anciens élèves du CC.CEG évoquent avec plaisir leurs souvenirs de collégiens et ne tarissent pas d'éloges sur l'activité de son directeur : Monsieur LEGENDRE. Son nom circule de mémoire en mémoire de génération en génération. Albert LEGENDRE était un être d'exception.

SES ETUDES.

     Evoquons sa naissance le 22 mars 1908 à Laval, puis sa formation à l'école normale de Laval en 1928. Bébert LEGENDRE, normalien  était en tête de classe. Tout en étant instituteur, depuis 1929 à Arquenay, il suit les cours de la faculté à Rennes en mathématiques physique et chimie, puis une préparation d'ingénieur Arts et Métiers; il prenait le train tous les jeudis: c'était la journée de préparation pour les instituteurs ; il a obtenu sa licence sur trois ou quatre ans.

LE COUPLE LEGENDRE, INSTITUTEURS A ARQUENAY...

     Madame LEGENDRE aurait voulu être professeur d'enseignement secondaire en couture mais les études coûtaient trop cher. Elle a réussi à obtenir un poste d'institutrice stagiaire avec son mari à Arquenay et a été titularisée au bout de deux ans de suppléance .Elle a commencé à enseigner avec une élève : les filles du village fréquentaient l'école libre; le curé d'Arquenay n'oubliait pas de dire en chaire à l'église que l'école publique était celle du diable! Mais à son départ, au bout de quelques années l'école comptait 15 filles! Son mari , lui, avait en classe unique 27 à 30 garçons. Madame LEGENDRE l'aidait dans son travail de classe: préparation et correction des cahiers pour lui permettre de suivre valablement les cours à Rennes.

...PUIS ENSEIGNANTS A LAVAL

     Madame LEGENDRE a pu suivre son mari; mais d'abord à Louverné , où elle se rendait à son travail à l'école publique à vélo ou en stop parfois, ( naturellement en cachette de son mari ), puis à Laval. Ils logeaient à Laval, route de Tours - actuellement boulevard Félix- Grat -, avant d'habiter leur logement de fonction rue Eugène Jamin. Elle se souvient même d'avoir enseigné l'Anglais un ou deux ans au collège qui se situait avant la guerre rue du 124ième R.I pour pallier le manque de professeur de langues. Pour la former à la langue de Shakespeare, son mari l'avait "expédiée " quelques semaines en Angleterre pendant les grandes vacances chez des amis.. et pourtant la vie familiale était chargée: huit enfants à la maison , puis sept, six, cinq.. Tout en travaillant, il fallait gérer son emploi du temps.
     Les journées étaient pleines pour Monsieur LEGENDRE: l'enseignement, la direction du CC, les sports, surtout scolaires, la chambre d'apprentissage: cela faisait beaucoup. De plus, le dimanche , les classes primaires de Bootz accueillaient les nombreux collés ( surtout la classe de CM2, car les tables étaient plus hautes ): Certains élèves travaillaient même sur la table de cuisine du logement de fonction et d'autres se rappellent avoir vu Monsieur LEGENDRE se raser tout en faisant travailler les élèves.

LES VACANCES FAMILIALES

     Ces longues années de labeur étaient entrecoupées par des grandes vacances familiales, trois semaines l'été en camping. La première fois, en 1947, au bord de la mer à Pornichet - Ste Marguerite, sous une tente américaine en grosse toile kaki avec mât central ,volumineux bagage hétéroclite, le taxi refusant même de les emmener à la gare: il les prenait pour des romanichels ! En vacances sur la plage, d'une dune il surveillait ses enfants , regardait la mer et lisait beaucoup; il ne se baignait pas.
     Ses enfants se souviennent qu'une fois par séjour il faisait la cuisine surtout le fameux riz au caramel. Que de bons souvenirs! Au retour des vacances, interdiction d'ouvrir les volets et portes pour éviter les visites car un volet ouvert et c'était dix personnes le lendemain qui venaient sonner. Les LEGENDRE avaient beaucoup de visites , surtout de parents d'élèves qui les invitaient à venir manger à la ferme où les repas étaient copieux: les enfants se souviennent que, dés les premiers plats, ils étaient gavés.

LA VOITURE

     Monsieur LEGENDRE décide d'acheter une voiture, assez grande et spacieuse pour contenir la grande famille. Ils sont allés l'acheter à Poissy: c'était une Ford "Vedette" de couleur bordeaux qui ,si nos souvenirs sont bons, était immatriculée 96 L 53.
Elle s'avérera inusable malgré les chocs: Jean le fils aîné, à , une nuit réveillé son père pour lui annoncer qu'il avait "bousillé" sa voiture: tout le côté gauche étant enfoncé.
La voiture a été réparée mais elle n'avait pas pu être repeinte avant un départ en vacances à Chamonix.


1936 : année du permis de conduire


     Aussi, sur la route des Alpes, en passant par Vierzon, ville ouvrière en pleine émeute à l'époque, ils sont menacés par des insurgés qui s'en prennent aux" capitalistes ". Vu l'état de la voiture et le nombre de passagers, l'un des émeutiers a crié : non, vous voyez bien ce sont des" romanos " ! Malgré les 9 personnes entassés dans la voiture, toute la famille est arrivée à bon port  à Chamonix.
Quel courage pour les parents et quels bons souvenirs pour les enfants!

LES ENFANTS LEGENDRE

     Tout au long de sa vie , la famille a compté beaucoup pour Monsieur LEGENDRE. Avare de compliments à ses enfants, il était pourtant très fier de leurs réussites scolaires et de leurs parcours professionnels.
     Simone, fille aînée, après des études au Lycée s'est orientée vers le professorat d'Anglais. Après son mariage avec un professeur d'Anglais et des années d'activités, ils deviendrons professeurs de Faculté à l'université de Rennes.
     Jean, l'aîné des garçons, doué en maths n'était intéressé que par le jazz .. et l'aviation. Orienté par le frère de Monsieur CHRISTIENNE vers une école de pilotage à Marrakech ; après 36 mois de vol, il a pu présenter l école nationale de l'aviation civile, l'ENAC. Diplômé, il deviendra pilote puis commandant de bord à Air-France.
     Yves a fait l'école normale d'instituteurs . Toutefois ne désirant pas enseigner, il poursuit ses études au CREPS à  Dinard, puis à l'INSEP à Paris. Il deviendra professeur d' E.P.S, principalement en Afrique.
     Guy a suivi des études de travaux publics dans une école privée après avoir échoué à l'oral à Centrale, suite à une rage de dent pas soignée à temps).
     La seconde fille après quelques difficultés personnelles a préféré, dès l'adolescence, quitter ce monde.
     Michel, enfant turbulent et bagarreur fait une belle carrière commerciale à La Réunion.
Bernard, après être passé par l'école normale est resté dans l'enseignement mais celui des beaux-arts.



Bébert en famille



BEBERT NOUS QUITTE

     Une fois en retraite, installé depuis peu rue André de Lohéac, tout le monde craignait l'inactivité de Monsieur LEGENDRE. En fait il s'est mis passionnément à l'ordinateur offert par ses enfants , à donner des cours particuliers de mathématiques et à lire. Puis en en 1971 il est élu conseiller municipal, il deviendra adjoint au Maire André PINCON jusqu'en 1983.
     De constitution solide, ses proches ne l'ont jamais connu malade; il n'était pas suivi médicalement. Au cours de sa vie il aura une seule alerte sérieuse : des piqûres d'abeilles lui avaient déformé le visage et l'empêchaient de respirer; il sera sauvé par la prescription homéopathique d'une pharmacienne de Parné sur Roc.
Après 1983, ses activités se sont réduites.
Il sera marqué par deux accidents de voiture qui l'ont atteint moralement; il se sentant diminué parce qu'il ne pouvait plus conduire.
Dans la nuit du 2 juin 1994 il a eu une crise cardiaque en se levant trop vite.
Sa mort a été subite.
Il s'est éteint à 86 ans.



ET NOUS LAISSE UN MESSAGE ... ET UN SOUVENIR IMPERISSABLE

     " Bébert " fut, et c'est un sentiment partagé par le plus grand nombre, un éducateur, un pédagogue, un humaniste de talent. Il était homme de culture, ouvert à toutes les disciplines intellectuelles mais aussi au sport dans toutes ses expressions. La distinction dont il était le plus fier était d'ailleurs, précisément, celle des sports. L'on connaît bien la maxime: " un esprit sain dans un corps sain ".
     Autre point essentiel est son engagement dans le travail Il répétait souvent à l'un ou l'autre de ses enfants: " Si tu veux faire quelque chose de ta vie: travaille ".. Ou encore: " le travail m'a donné les plus belles joies de ma vie " ou enfin " C'est par le travail que j'ai vaincu toutes mes peines ".
     Une autre pensée qui exprime bien son rapport au monde: " ne te venge jamais; tu y perdrais ton honneur; la vie s'en chargera ".
Il haïssait le racisme et le combattait journellement.
     C'était un esthète et un homme de cœur qui tenta toujours de répondre à la détresse, à l'exclusion sociale, à l'étroitesse des décrets administratifs souvent insuffisants, par l'accueil chaleureux, la sympathie, l'écoute de l'autre sans a priori.
Il dénonçait toujours l'exclusion sociale sur tous les plans dont celui de l'éducation, tentant de réparer par son dévouement l'injustice de la naissance. Combien de fois n'a t 'il pas dit aux élèves qui devait s'opposer à leur famille pour achever leurs études " Si tu veux, tu peux ". D'ailleurs, il se chargeait lui-même de convaincre les parents des qualités intellectuelles de leur enfant; mais il ne fit jamais d'élitisme. Il souhaitait seulement que chaque élève parvienne au plus haut de lui-même.

     Sa mémoire est encore bien vivante en chacun de nous , ses anciens élèves, parce que l'homme était un homme d'action qui nous a empli de sa vitalité, de sa ténacité et de sa foi profonde en l'avenir de la jeunesse.

     Quels hommes serions nous, nous ses anciens élèves, si nous n'avions pas croisé sur le chemin de nos études Monsieur LEGENDRE ?